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Für eine andere Entwicklungspolitik!

Beitrag vom 13.03.2010

LE QUOTIDIEN DAKAR

ASSISTANCE : Réflexions sur des alternatives à l'Aide publique au développement

La majorité des acteurs s'accorde qu'il va être difficile de poursuivre avec une forme d'assistance qui produit si peu de résultats positifs. Si plusieurs voix s'élèvent pour proposer des alternatives, peu sont celles qui font l'unanimité. Par Mohamed GUEYE

Plusieurs études et déclarations sont sorties ces derniers temps, pour condamner l'Aide au développement dans la forme que nous la connaissons actuellement. L'une des plus remarquables est l'entretien que le directeur de l'Agence française de développement, Jean-Michel Severino a accordé au journal français, La Tribune. Il est de plus en plus évident que, même les plus chauds partisans de l'aide au développement, auront de plus en plus de mal à expliquer l'intérêt de conserver un modèle de «coopération» dont les bénéfices, par rapport aux efforts fournis, sont si infimes, pour ne pas dire inexistants. Les contribuables des pays développés n'ont plus tellement envie qu'on leur donne l'impression de jeter leur argent par les fenêtres, en enrichissant des potentats tropicaux. Les ressortissants des pays en développement non plus, ne trouvent pas amusant que l'on se serve de leur misère pour attirer de l'argent qui, en fin de compte, retourne à l'expéditeur, après les avoir encore plus appauvris. Il faut donc changer de paradigme.
Une étude de l'Ocde vient d'indiquer que les pays qui bénéficient de transferts de revenus de la part de leurs ressortissants émigrés, ont reçu, à la fin de 2008, la somme globale de 32 milliards d'euros, équivalant à environ 21 mille milliards de francs Cfa, en provenance des pays membres de cette organisation. Au-delà des multiples enseignements que l'on peut tirer de cette information, il faudrait relever que ce montant a été obtenu en une période où la crise financière et économique affectait les pays donateurs. Ensuite, cet argent vient reposer encore avec acuité le débat sur l'efficacité de l'Aide publique au développement (Apd), si l'on sait que, il y a environ une dizaine de jours, la même Organisation de coopération et de développement économique, avait indiqué que les pays industrialisés ne sont toujours pas parvenus à respecter leurs objectifs sur les montants de l'aide qu'ils devaient débloquer cette année.

L'Europe en retard sur ses objectifs

En plus de l'Ocde, des Ong occidentales comme des pays en développement, se sont émues de cet état de fait. La Confédération européenne des Ong d'urgence et de développement (Concord), a déploré le fait que, en termes globaux, des pays comme la France, l'Allemagne, l'Italie, le Portugal et la Grèce, se trouvent toujours en deçà du niveau fixé par l'Union européenne. Dans cette étude, qui porte sur les menaces qui pèsent sur l'aide de l'Union européenne, Concord cite, en guise de rappel, une étude de la Banque mondiale, préparée pour les besoins des travaux du Sommet du G-20 de Pittsburgh, en septembre 2009, et qui signalait que, plus de 89 millions de personnes supplémentaires dans les pays en développement, vivront dans l'extrême pauvreté, du fait d'une crise économique et financière que ni elles ni leur pays n'ont provoquée. En conséquence de cette situation, la Banque mondiale dans la même étude, prévoit le décès de 30 à 50 000 enfants de plus, qui devraient perdre la vie avant d'avoir atteint un an, cette année, en Afrique.
Pour faire face à cette situation, la Banque mondiale avait estimé qu'il fallait consacrer 11,6 milliards de dollars supplémentaires, dans des secteurs comme l'éducation, la santé, les programmes sociaux ou les infrastructures, dans les pays en voie de développement. Bien entendu, on se souvient que ce sommet, obnubilé par le redressement du système bancaire et par les évasions fiscales vers des paradis fiscaux, ne s'est intéressé que de manière très marginale à la situation des pays en développement.
Le rapport de Concord se désole de voir que, l'Union européenne, qui est le plus gros pourvoyeur d'aide aux pays pauvres, ait de difficultés, globalement ou à travers ses Etats membres, à tenir ses engagements en matière d'aide aux plus démunis. Cela, au moment où les pays en développement ont de plus en plus de gros besoins d'argent. Or, par ailleurs, c'est en cette année 2010, que l'Ue avait prévu d'atteindre son objectif de consacrer 0,56% de son Pib collectif à l'Apd. Pour cela, il aurait fallu faire passer les montants de l'Apd, de 50 millions d'euros à 70 millions. La faute en est principalement à certains gros donateurs, qui ont été cités plus haut. Sans chercher à détailler la politique, s'attarder sur la situation de certains pays comme la France.
En France, officiellement la part de l'aide dans le budget a augmenté cette année, passant de 0,39% à 0,44%, ce qui représente 8,6 milliards d'euros. Néanmoins, les services de Alain Joyandet, le ministre de la Coopération, ne soulignent pas que cette augmentation de l'aide est constituée essentiellement d'annulation de la dette bilatérale de certains pays en développement, qui a été comptabilisée comme aide. La situation n'est pas très différente de celle de l'Allemagne, qui va revendiquer également une légère croissance de sa part d'Apd.

Dix propositions contre l'Aide

Pourtant, si certaines Ong déplorent cette situation et demandent à l'Ue et à ses Etats membres de respecter ses engagements internationaux, d'autres acteurs demandent carrément la suppression progressive mais nette de l'aide. Ils veulent même que les baisses des parts d'Apd soient plus significatives. Si beaucoup de gens ont entendu ou lu les théories de la Zambienne Dambisa Moyo, dont le brûlot sur l'aide continue de faire l'actualité, il y a certains autres qui la rejoignent (ou qu'elle a rejoint ?) dans ce combat, et qui ne sont pas moins pertinents, même s'ils sont moins médiatisés qu'elle. Parmi ces opposants à l'Aide, il y a l'Ougandais Yash Tandon, dont les travaux dans ce sens font autorité. Tout ce monde se trouve conforté, mais pour des raisons différentes bien que convergentes, par un groupe de personnalités allemandes, issu de la politique, des milieux universitaires, et même de la société civile, qui s'est regroupé dans ce qu'ils ont appelé L'Appel de Bonn, plus connu par son nom allemand : «Bonner Aufruf».
Ce groupe de personnalités, parmi lesquelles on trouve même un célèbre journaliste béninois, ancien du magazine Jeune afrique, a signé une pétition intitulée : Dix propositions pour une meilleure politique de développement, et que l'on peut trouver sur Internet, où ceux qui sont intéressés peuvent la signer et l'endosser. Ces propositions sont néanmoins, essentiellement destinées aux gouvernements et aux organisations d'Europe, concernées par l'Aide au développement.
Basées sans doute sur le constat général du peu d'efficacité que les énormes masses d'argent injectées dans les pays en développement ont eu à ce jour, ces propositions cherchent à en obtenir un meilleur rendement par une nouvelle utilisation.
La première de ces propositions explique les raisons du nouveau paradigme et demande «un changement de direction fondamental» de la politique de développement, du fait des «résultats décevants» enregistrés à ce jour dans les politiques de développement. Une fois cela accepté, les signataires souhaitent que les pays donateurs de l'Ocde renoncent à «l'objectif de dons de 0,7% du Pib, car il est fondé» sur l'idée «erronée que davantage d'argent signifie davantage de développement». Or, puisque cela n'est pas le cas, pour eux, le mieux serait sans doute, à leur avis, de focaliser «l'aide sur le renforcement des efforts des individus et de la société, particulièrement en promouvant l'éducation et de meilleures conditions pour l'initiative économique privée».
Le meilleur moyen pour arriver à cela, serait sans doute d'évoluer, «dans les dix ans, vers la fourniture d'aide principalement sous forme de prêts», auxquels pourraient avoir accès tous les habitants des pays en développement.

Des Africains contre l'aide

Et ces Européens demandent à leur Etat de ne plus financer les paniers percés, et d'arrêter le financement des infrastructures dans les pays où les financements précédents de l'Ue n'ont pas fait l'objet d'une bonne gestion. Et pour les heureux pays qui seraient jugés dignes de percevoir encore la manne européenne, il faudrait que les donateurs s'assurent que ces financements sont élaborés de manière à créer autant d'emplois que possible.
Mais Yash Tandon a une autre idée. Pour lui, l'aide même des pays développés ne doit pas être acceptée. Si en plus, les différents acteurs se fixent des objectifs qu'ils ne cherchent pas à atteindre, cela crée une forme de dépendance, tant pour les pays donateurs que pour les pays en développement. C'est le cas du fameux 0,7% du Pib, qui pour lui, est devenu un prétexte bien commode pour tous les acteurs. Dans les pays en développement, c'est un joli moyen pour plusieurs Etats de justifier leurs manquements envers leurs citoyens, en les rejetant sur les pays riches qui n'ont pas augmenté leur aide dans les proportions convenues. Et dans les pays riches, l'objectif permet à tous les activistes, au sein des Ong et de la société civile, de justifier leur existence et leur mouvement. Ce qui permettra à des spécialistes des cabinets ministériels, de trouver des niches de dépenses, que l'on comptabilisera comme part de l'Aide.
Par ailleurs, raisonne-t-il, si, sous prétexte de pauvreté, un pays recourt à l'étranger pour son développement, «ne sous-estime-t-il pas l'intelligence et l'ingéniosité de son peuple, le travail de ses ouvriers et ses paysans, de sa jeunesse, ainsi que le potentiel de ses ressources naturelles ?» De plus, les pays auprès desquels nous allons quémander de l'aide, ont aussi leurs pauvres, qui ont bien besoin de ces ressources que nous allons solliciter. Que ce soit les Etats-Unis d'Amérique, qui ne parviennent pas à offrir une assurance de santé aux moins nantis d'entre eux, les Européens, qui connaissent un nombre toujours plus grand d'exclus de l'abondance, ou les pays émergents comme la Chine, le Brésil, tout le monde a ses propres problèmes nationaux, à résoudre en priorité.
Et à échanger avec les membres de la société civile d'Afrique, on trouve de moins en moins de personnes qui défendent encore farouchement l'idée de profiter de l'aide des pays industrialisés. Assimilée de plus en plus à de l'aumône, elle n'attire véritablement, plus que des Etats en panne d'imagination. En Afrique de l'ouest, certaines organisations de la société civile impliquées dans la négociation des Accords de partenariat économique (Ape), et dans l'élaboration du Programme communautaire de développement (Pcd) de la Cedeao, ont montré une répulsion profonde envers l'appui reçu des partenaires du Nord, et qui serait destiné à leur permettre de réaliser les objectifs d'intégration économique pensés de manière endogène.
Il n'empêche que, pour beaucoup de ces gens, les alternatives ne semblent pas solides, parce qu'elles ne s'accompagnent pas de moyens de mise en œuvre. De plus, les penseurs du Sud semblent écarter de manière systématique les classes politiques de la réflexion pour se passer de l'aide, sous prétexte que les politiciens n'ont pas montré à ce jour, de capacité managériale affirmée. Or, sans les politiques, il n'est pas évident que même l'agenda de la société civile avance de beaucoup.
C'est comme avec Yash Tandon. Son solide argumentaire chute au dernier stade, quand il propose de remplacer l'aide de l'Ocde par une solidarité Sud-sud, qui impliquerait les nouveaux pays pauvres, mais émergents. Ce penseur oublie ou feint d'oublier que, avec leur puissance financière naissante, la Chine ou l'Inde ont tendance à se comporter exactement comme les anciennes puissances impérialistes, qu'elles semblent vouloir remplacer.