Beitrag vom 30.10.2009
Cotton made in Africa
Au cœur du débat - L'Afrique
Opinions et tendances sur les grands thèmes autour de Cotton made in Africa
Percée dans l'aide au développement
Volker Seitz, diplomate et connaisseur de l'Afrique, à propos de l'aide au développement occidentale, des principaux obstacles et du rôle de Cotton made in Africa
Pendant 17 ans, vous avez représenté l'Allemagne en tant que diplomate dans sept pays d'Afrique. Comment a évolué votre vision de l'aide au développement occidentale classique pendant cette période ?
V. Seitz : Depuis 40 ans que je m'intéresse à l'Afrique, j'ai appris que les sommes envoyées par les pays riches à ce continent ne l'aident pas à sortir de la crise mais entretiennent le statu quo. Les aumônes bien intentionnées ne réussissent pas à modifier les problèmes de fond que connaît la société. Les classes dirigeantes africaines utilisent les ressources en matières premières de leurs pays et les aides internationales au développement, accordées sur la base d'une générosité mal comprise, pour augmenter leur richesse personnelle et leur pouvoir. Moi aussi, j'ai cru que plus d'argent signifiait plus de développement. C'est faux. Nous devrions concentrer notre aide sur les efforts autonomes au niveau des personnes et de la société, en misant notamment sur la formation et de meilleures conditions générales pour les activités du secteur privé.
Selon vous, quels sont actuellement les principaux obstacles au développement prospère de l'Afrique ?
V. Seitz : Ce ne sont pas la maigreur des moyens ni les séquelles de la colonisation qui freinent le progrès. Ce sont le manque de volonté politique des gouvernants, le manque du sens des responsabilités personnelles et le manque d'implication, l'indigence des concepts, une administration lente et peu fiable et le sentiment de solidarité parmi tous les citoyens, indispensable à la « res publica », à la communauté, et qui manque toujours à de nombreux pays d'Afrique. C'est ce que j'ai essayé d'expliquer aussi clairement que possible dans mon livre - en me référant notamment aux 50 dernières années, au cours desquelles les sommes versées à l'Afrique ont représenté l'équivalent de six plans Marshall, sans résultat tangible.
Qu'est-ce qui doit changer quand vous pensez à l'agriculture, au rôle des femmes ou à l'éducation, par exemple ?
V. Seitz : Les élites qui détiennent le pouvoir ne s'intéressent pas à l'agriculture, qu'un petit cercle de privilégiés ne peut pas contrôler, contrairement au pétrole et aux minéraux. C'est pourquoi les dirigeants ont beaucoup négligé l'agriculture au cours des dernières décennies. Il faut bien aussi avouer que l'aide au développement a peu amélioré la situation des populations pauvres en Afrique, notamment dans les régions rurales. Au contraire : leur condition empire, comme l'a très bien montré la crise alimentaire de l'an dernier, qui a entraîné des émeutes de la faim dans quelques pays. Dans les années 1970, 30 pour cent de l'aide au développement étaient encore consacrés au secteur agricole; aujourd'hui, cette proportion est tombée en tout et pour tout à 4 pour cent. Résultat : les denrées alimentaires qui ne peuvent pas être produites ne peuvent pas non plus être consommées.
Il faudrait que les femmes énergiques d'Afrique deviennent nos partenaires. Elles constituent souvent l'élément porteur de l'économie africaine - même en dépit de nombreuses résistances. Seul le Rwanda est sur la bonne voie dans ce domaine : parmi les 80 parlementaires, 44 sont des femmes. Et la moitié des hauts fonctionnaires de justice sont aussi des femmes. Le véritable problème lié à la promotion de la condition féminine réside dans les grandes inégalités en termes d'accès aux possibilités, surtout en matière d'éducation. Dans ce domaine aussi, le Rwanda est exemplaire. Si ce pays n'est certes pas une démocratie au sens occidental du terme, les progrès qu'il réalise sur le plan économique sont loin devant ceux de la plupart des autres pays d'Afrique et ses réformes ont contribué à faire sensiblement reculer la pauvreté.
L'éducation est le seul moyen d'améliorer les conditions de vie des Africains. Seule l'éducation - aussi bien l'apprentissage d'un métier artisanal que l'obtention d'un diplôme universitaire - leur permettra de bâtir quelque chose de personnel et de mener une vie basée sur l'autonomie.
Le projet Cotton made in Africa aborde le développement sous un nouvel angle : affaires et développement. L'objectif est d'établir une relation où les deux parties sont gagnantes : les cultivateurs et distributeurs africains gagnent correctement leur vie avec leur coton. Les entreprises textiles européennes le transforment et confectionnent des produits compétitifs et rentables. Qu'en pensez-vous ?
V. Seitz : Je sais quelles sont les réserves émises quant à l'approche de Cotton made in Africa en matière de développement. Même si je pense aussi que les gouvernements devraient agir plus, je crois cependant que les petits cultivateurs, qui étaient désavantagés jusqu'à présent, profitent des programmes spéciaux directement et sans intermédiaires. Qu'y a-t-il de mal à cela ? L'amélioration des récoltes, de l'environnement et du niveau de vie ont permis à la population rurale et aux commerçants africains d'obtenir de meilleurs prix et donc d'augmenter leurs revenus. L'aide au développement telle qu'elle a été pratiquée jusqu'à présent a engendré des dépendances. Cotton made in Africa brise cette évolution.
L'aide est toujours nécessaire, mais elle doit être utilisée pour soutenir les entreprises locales et mettre en place un commerce où tous les participants seront gagnants.
Conseil de lecture
Volker Seitz :
Afrika wird armregiert oder wie man
Afrika wirklich helfen kann. 220 pages.
Deutscher Taschenbuch Verlag,
München 2009. 14,90 euros
Entretien : Peter Felixberger